Parfois, les émotions dansent à la limite du champ d'action des mots. Une prise de conscience se fait jour pour s'abimer tout de suite après dans les limbes de l'oubli et de la formulation inadéquate.
"On ne peut pas plaire à tous". Encore heureux! Chacun est différent. Seul ce qui est plat et sans saveur ne heurte la sensibilité de personne, ne déplaît à personne et est donc susceptible de plaire à tous. Et pourtant, quelle tentation que le confort ouaté du consensuel! Il y a du bien être, de la douceur la dedans, de l'anesthésie aussi.
J'ai des envies de vigueur, de vitalité, d'affirmation. Mais pour affirmer quoi, au fait? Sitôt que j'y pense, je ne sais plus le dire. Je suis comme obligée d'agir d'abord et de penser ensuite pour ne pas me renier, me trahir.
Pourtant, le regard d'autrui m'est devenu primordial. Je ne sculpte plus pour moi seule mais pour donner à éprouver des émotions. Ce qui me traverse prend corps dans la matière. Je le vois, l'analyse, l'objective une fois que c'est là. Mais cette émotion matérialisée, comment sera-t-elle reçue par qui voit une de mes sculptures? Sera-t-elle seulement reçue? Ou la personne ne verra-t-elle qu'un objet coloré sans fonction, sans destination, sans vie? Un simple loisir d'adulte désoeuvrée qui a envie de se faire croire qu'elle est une artiste?
C'est une réaction de cet ordre qui m'a glacée aujourd'hui à coté des mots chaleureux que mon travail a suscité ces derniers jours. Une connaissance qui ne savait rien de mon travail de sculpture. Elle était donc vierge, non influencée par mon enthousiasme à ce sujet. Et ce fût la douche.
Ho, elle n'a pas critiqué, ni en bien, ni en mal. Elle n'a juste rien ressenti. Ou si, un simple désintérêt poli.